La sixième extinction
Édition La librairie Vuibert – 2015 – 21,90 euros.
Je n’avais jamais rien lu d’aussi passionnant depuis les ouvrages du paléontologue américain Stephen Jay Gould[1]. Élisabeth Kolbert marche dans ses pas par sa façon de piquer la curiosité naturelle de son lecteur, de l’emmener sur le terrain, de lui raconter la science comme un roman d’aventures. Sauf qu’Élisabeth Kolbert n’est pas paléontologue comme S. J. Gould, mais… journaliste. Pour se documenter elle va donc fréquenter les scientifiques, les suivre partout, sous l’eau, sur les montagnes, dans les marais, dans les labos, les musées, les universités. Et le lecteur la suit. Avec avidité.
L’auteure est aussi pédagogue ; elle structure son propos, vous présente les cinq extinctions identifiées, différencie les extinctions de fond et celles « de masse ». Des « catastrophes », sur fond d'évolution graduelle, ont donné lieu à des extinctions de masse, dues à des changements drastiques de climat ou à une chute d'astéroïde (hypothèse la plus probable pour la 5éme extinction, celle des dinosaures).
Que serait alors une 6éme extinction ? Elle serait une extinction d'une grande quantité d'espèces, par l'intervention de l'homme, au point de menacer sa propre survie : bienvenue dans l'anthropocène. Changement du climat, fragmentation ou disparition des habitats, épuisement des ressources naturelles, massacre des écosystèmes, pollution, acidification généralisée des océans, installation d'espèces invasives, le tableau est apocalyptique. Et d'autant plus que le processus sera rapide. Jamais extinction d'espèces n'aura été si rapide. L'homme en a les moyens.
Pour exemples, voici les amphibien, classe d'animaux non aquatiques les plus anciens sur terre (400 millions d'années), qui ont résisté à tout, mais qui sont en voie d'extinction sur absolument toute la planète. Voici la grande barrière de corail qui blanchit et se meurt par l'acidification de l'océan, voici les littoraux mangés par la mer qui monte. Voici les premiers réfugiés climatiques qui demandent un statut pour être accueillis.
Le propos est érudit, très documenté, ne culpabilise pas, ne donne pas de leçon, mais expose des faits effrayants, dont il faut se préoccuper d'urgence, et qui nécessitent une autre façon de penser notre place dans la nature.
[1] Stephen Jay Gould (1941-2001), paléontologue et biologiste américain, virtuose de la vulgarisation scientifique, qui nous a laissé, parmi une œuvre prolixe, Le pouce du panda ou encore La mal mesure de l’homme.