Madame Cro-Magnon performante… au supermarché.

Publié le par Agnès Lenoire

DIPLO-2.JPGSur le site de Cyberpresse, un article - classé dans la rubrique Sciences ! – titre : « La théorie de l’évolution confirmée… au supermarché. » Bigre ! Il a suffi à des chercheurs de l’université de Californie à Santa Barbara d’observer une poignée d’individus (86 !) en train de déambuler dans les allées de leur hyper préféré, pour en déduire que les femmes s’y repéraient mieux que les hommes, et d’en déduire illico que c’était une preuve de l’évolution. Messieurs Cro-Magnon chassaient, mesdames Cro-Magnon cueillaient. Actuellement, d'après eux, nous poursuivons notre vie préhistorique dans un autre cadre, voilà tout. La science est aussi simple que cela, vous ne le saviez pas ?
L’article, dans sa toute première ligne, introduit le sujet en affirmant que « normalement, les hommes sont meilleurs que les femmes pour indiquer la direction d’un endroit. ». Déjà, là,  je me dis qu’on est mal parti pour les références et la rigueur… Est présenté  au lecteur un résultat d’enquêtes sur les capacités d’orientation selon le sexe, sans références. Admettons que le constat soit réel, que les hommes s’orientent mieux que les femmes au volant de leur voiture. Au culte que beaucoup vouent encore à leur véhicule, à l'attachement excessif, et si viril, dédié au pilotage, on peut supposer qu’ils en ont tiré quelque compétence : savoir s’orienter. Mais  ce talent au volant était déjà présenté comme issu de la préhistoire par les sociobiologistes. Certains de ces scientifiques, qui pratiquent la psychologie évolutionniste, ou évopsy pour les intimes, voient du préhistorique partout. En particulier chez les femmes ! Car, selon eux, les femmes sont proches de l’état de nature, et il semblerait que cela fait longtemps que ça dure. Le paléoanthropologue  Pascal Picq appelle cela, dans son livre Nouvelle histoire de l'homme, « projeter dans la nature ou au temps des origines un état de l’idéologie contemporaine de la domination de l’homme et dire ensuite qu’il en a toujours été ainsi. »  Le concept de nature, s’il est pertinent pour expliquer certains de nos comportements, se révèle pauvre pour décrypter ce qui a été façonné avec force, et sur de très longues périodes de notre histoire, par  une volonté de pouvoir. Volonté qui s’exprime encore de façon criante par les violences faites aux femmes.
Par ailleurs, il n’est prouvé par aucune étude sur la préhistoire qu’il avait été interdit aux femmes de chasser, et que seule la cueillette leur était imposée. Aucune donnée avant le néolithique ne le montre. Plus simplement, pour étudier nos comportements au supermarché, ne serait-il pas plus pertinent d’étudier auparavant qui va au supermarché seul ? De pointer les charriots poussés par des hommes seuls, ceux poussés par les hommes mais accompagnés de leurs femmes…qui le dirigent (ou qui le laissent dans l’allée pour courir entre les rayons !), enfin de pointer ceux poussés par les femmes seules. C’est seulement après une telle enquête minutieuse, sur un échantillonnage plus lourd que le ridicule 86, que l’on pourrait  comparer les différentes hypothèses qui dégageraient une, ou plus probablement des causes. Qui a l’habitude de se diriger  entre les rayons ?  
Il est impossible de dégager l’état de nature de celui de culture. Les causes génétiques s’imbriquent aux influences de l’environnement, et se complètent d’une imprégnation forte de culture, de transmissions, et de volonté de pouvoir.  Toutes les études qui ne prendront pas au sérieux toutes les influences seront hors réalité.

Publié dans Sciences

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G
J'ai lu un reportage il y a peu qui disait que depuis que les femmes observaient les autres animaux, les singes en particulier, leurs conclusions étaient très différentes de celles de leurs collègues masculins...l'observateur a tôt fait de se projeter dans ce qu'il voit. C'est un effet très connu depuis la Bible, au moins! 
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M
C'est amusant de voir comment vos a priori féministes vous font douter et refuser toute étude stimulant justement ce point précis de votre personnalité ! Ou entrant en contradiction avec l'idéologie sous-jacente.Un effet du biais de confirmation ?
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G
Moi, au temps des cavernes comme aujourd'hui, je préfère la cueillette à la chasse. Enfin, courir après les animaux d'accord, mais mes amis les chasseurs me cassaient déjà les bonbons à l'époque. La cueillette, voilà un truc d'hommes, à la différence des supermarchés qui, à mes yeux, en sont l'exact opposé.
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