La montée des croyances, indicatrice de fracture intellectuelle.

Publié le par Agnès Lenoire

 

cimeti--re-copie-1.jpgHier samedi 27 octobre, je lisais dans La presse canadienne qu’un sondage réalisé par IPSOS entre le 16 et 18 octobre 2007 auprès de 1 013 américains adultes révélait une progression des croyances. En effet,  34% des américains croient aux fantômes et aux extraterrestres, 23 % témoignent d’avoir vu un jour un fantôme, 14 % d’avoir vu une soucoupe volante, 48% croient à la parapsychologie (télépathie, télékinésie, voyance etc.), et 19% ont peur qu’on puisse leur jeter un sort. chat-noir1.JPG

Mazette ! Quel sort a-t-on jeté à l’humanité pour en arriver là ? Quelles conditions sociales, économiques, culturelles et intellectuelles peuvent  présider à  cette  progression effrayante ? Qui aggrave la situation à ce point ?  L’école, parce qu’elle n’enseigne  pas l’esprit critique comme une compétence à part entière, évaluable et exigeante, mais l’intègre simplement à la méthodologie scientifique ? L’expérience nous prouve, avec quelques grands noms du CNRS (Jean-Pierre Petit ou Suzel Fuzeau-Braesch par exemple) que la méthodologie scientifique peut ne pas suffire  à inculquer l’esprit critique. Mais le sondage IPSOS montre tout de même que la population essentiellement concernée par la superstition se situe dans les couches jeunes, pauvres, et citadines. Trois facteurs étroitement liés…  La fracture sociale semble être en cause, parce qu’elle accentue la fracture intellectuelle. Elle trouve une alliée inespérée dans les médias, en particulier la télévision, qui, avec patience, infantilise le spectateur. En ces temps de refonte et de remises en cause de l’école, cette dernière aurait donc un rôle à jouer en intégrant l’esprit critique dans ses programmes. Mais sans doute cette initiative serait-elle un peu dangereuse pour nos dirigeants ? À supposer qu’elle soit efficace, elle risque de former des citoyens lucides et retors, alors que le but affiché actuellement est plutôt de former des travailleurs adaptés au marché du travail.  C’est cela le socle commun. Quelques enseignants, dont je suis, rêvent d’un « socle commun » qui soit une formation intellectuelle complète, qui privilégie l’esprit critique, la curiosité, l’envie d’apprendre, le goût de l’effort intellectuel.  Car la montée des croyances se situe dans un cortège de maux, qui sont aussi des mots d’ordre  contre lesquels les enseignants ont fort à faire : vitesse et superficialité (alors que la formation intellectuelle nécessite du temps), zapping et facilité (qui poussent à ne pas creuser les sujets), les deux se conjuguant en  un seul élan verbal, qu’on entend partout : « Ne pas se prendre la tête ! ». Ne pas se prendre la tête, c’est une catastrophe éducative et culturelle, c’est faire preuve d’un grand mépris pour tout ce que notre cerveau nous propose en fait de capacités. C’est opter pour la télé, la passivité, la manipulation, la négation intellectuelle. La superstition en est la première bénéficiaire. Alors éteignons la télé, et exigeons pour l’école un vrai rôle formateur, à sa mesure : une école institutrice.

Publié dans Éducation

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P
Oui, la passivité... Une forme de démission, dans le confort de la satisfaction sucrée. Redéfinir les besoins, les saturer, faire des citoyens des consommateurs : nécessité de la société marchande mais aussi d'un Etat soucieux de "gérer" ses électeurs.<br /> Bravo
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T
J'abonde en précisant que tous ces petits citadins catodisés perdent peu à peu le contact avec la nature et les phénomènes naturels. Quoi de plus instructif qu'une nuit à la belle étoile, qu'un feu de camp et qu'une longue marche à pied bien fatigante. Dans un monde païens disparu, les rites initiatiques avaient du bon et des mentors accompagnaient  les adolescents (voir les contes de Grim). Qui tient lieu de mentor aujourd'hui, le loft et le maillon faible, TF1 et "qui veut gagner des millions". Ou sont passés la transmission orale des savoirs être et des savoirs faires, les mythes et les légendes ? " Un pays qui n'a plus de légende est en train de mourir, et un pays qui n'a plus de mythe est déjà mort".
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