Le fœtus et l’embryon, des personnes à part entière ?
Le planning familial s’en émeut sur son site et publie un communiqué de presse sur le sujet : la première chambre civile de la cour de cassation a en effet déclaré le 6 février 2008 que « tout fœtus peut être déclaré à l’état civil quel que soit son niveau de développement. ». Elle s’appuie en cela sur l’article 79-1 alinéa 2 du Code civil, et en particulier sur ce passage : « […] L'acte dressé ne préjuge pas de savoir si l'enfant a vécu ou non […] »
Jusqu’à présent, seul le fœtus viable (22 semaines d’aménorrhée et/ou un poids supérieur ou égal à 500g) pouvait obtenir le statut de personne, donc être déclaré à l’état civil. Le fœtus, quel que soit son âge, est donc devenu une personne, sous l’effet d’une interprétation littérale du code civil. Ce code civil, élaboré sous Napoléon, promulgué le 21 mars 1804, a subi très peu de modifications et souffre de la mentalité de cette époque : toute puissance du patriarcat, - même si le code en fut un peu allégé en 1942 -, culte de la famille, et donc vie des femmes en retrait de la vie politique et civile. Les femmes mariées y étaient considérées comme « juridiquement incapables » puisque sous la tutelle de leur mari; en 1910 on y ajoute même la notion de « devoir conjugal » et en 1916 l’interdiction de divorcer ; il était donc normal dans ce cadre que toute décision concernant les fœtus revienne à la société et non à sa gestatrice. L’article 2 s’inscrit dans l’esprit misogyne de ce code Napoléon, auquel on a très peu touché depuis 1804, mais que, heureusement, on peut interpréter selon la modernité de nos modes de vie. Sauf que, ce 6 février, une cour de cassation a décidé de lire cet article de façon très littérale. Là aussi on reconnaît un courant fort de ces dix dernières années de renouveau de la religion, de goût prononcé pour une cellule familiale traditionnelle, et la renaissance de la contestation de l’avortement. La cour de cassation va dans le sens de cette pensée qui refleurit et qui voudrait que les femmes soient mères sans l’avoir voulu, comme une bénédiction divine. La reconnaissance du fœtus en tant que personne menace la loi Veil, pour l’instant sans remise en cause directe, en s’appuyant juste sur la compassion pour les parents qui perdent un enfant en gestation.
Difficile de reprocher la compassion et de réfuter l’aide psychologique que peut représenter la reconnaissance de l’enfant mort-né dans le processus de deuil ! Et pourtant cet argument cache une stratégie d’approche pour interdire à terme de toucher à l'embryon même, et cela constitue une réalité doublement effrayante : non seulement cela fera reculer la liberté des femmes en matière de procréation, mais en plus, en reconnaissant le fœtus quel que soit son âge, les travaux scientifiques sur les cellules-souches peuvent se trouver remis en cause. Car si le fœtus n’a plus besoin d’être viable pour être sujet humain, l’embryon sera lui aussi une personne. Un paquet de cellules indifférenciées deviendra-t-il intouchable parce que susceptible d’être déclaré à l’état civil ?
La déclaration de la cour de cassation est donc assez effarante, et pour les femmes, et pour la science. On ne peut que souhaiter que le code civil soit toiletté un jour sérieusement, afin qu’il ne puisse plus être interprété selon l’esprit de 1804.