Sarkozy et la Shoah à l’école primaire
Une bévue de plus. Et pas des moindres ! Celles que Sarkozy commet à l’encontre de l’enfance sont vraiment des plus inquiétantes. Après la volonté, en 2005, d’enseigner les bienfaits de la colonisation, puis celle, en 2006, d’utiliser le rapport de l’Inserm pour repérer les futurs délinquants à la maternelle, il oblige en octobre 2007 les lycéens à écouter la lettre de Guy Môquet en début d’année scolaire, enfin il veut que chaque enfant de 10-11 ans prenne en charge la mémoire la plus lourde qui soit : celle d’un enfant martyrisé. En quoi ce sursaut émotionnel né chez un président tout entier dédié à l’impulsivité peut-il aider à l’éducation à la tolérance et à la lutte contre l’anti sémitisme ? En quoi les seuls ressentis pour les enfants juifs assassinés, déracinés de leur contexte, sont-ils des appuis pédagogiques ? Comme pour la lettre de G. Môquet, on est là déconnecté de la pédagogie, dans le sens le plus abouti, c’est-à-dire celui d’un travail de fourmi bâti sur les possibilités des enfants, avec des objectifs ambitieux, une démarche d’appropriation par la documentation, et des moyens bien adaptés à la psychologie de l’enfant et à ses capacités. Les pédagogues travaillent pour l’avenir, à petits pas. Il s’agit d’un travail de fourmi, mais la fourmi travailleuse est balayée par l’impératif et l’irréfléchi. Nous sommes dans une république qui va nous imposer une histoire d’État. L’histoire peut-elle vraiment se résumer à se lever le matin pour saluer un grand nom, puis toute la journée vivre dans le souvenir d’une petite victime ? Ne serait-ce pas là une façon de tuer l’envie d’avenir ?
Par ailleurs, quelles répercussions pour les enfants de CM2 ? Les responsabiliser fait partie des objectifs pédagogiques mais c’est un processus lent, profond, qui vise d’abord à une prise de conscience positive. L’enfant apprend à prendre soin, à respecter, à valoriser, à partager, à protéger, à transmettre. Le devoir de mémoire fait d’ailleurs partie des programmes du cycle 3, même s’il n’y porte pas ce nom, et ils sont bien appliqués. La responsabilité, c’est aussi quelque chose de dynamique, de tendu vers l’amélioration de l’avenir, le sien et celui des autres. Mais prendre en charge la mémoire d’un enfant-mort, qui plus est dans des circonstances horribles, c’est mettre en avant la fatalité et l’impuissance. Que pourra l’enfant avec son compagnon inconnu logé dans sa tête ? Se poser des questions sans réponse, et sans doute culpabiliser d’être, lui, si heureux ! Car c’est bien là le risque majeur d’une éducation à la responsabilité mal gérée : tomber dans la culpabilité. Les enfants n’ont pas à porter cette charge horrible, parce que la culpabilité est la négation de toute entreprise éducative digne de ce nom. Et puis n’y aurait-il de nos jours aucun conflit horrible dans le monde, dont les enfants seraient les victimes innocentes, morts dans les massacres, ou embrigadés comme soldats ? Ne sont-ils pas dignes, eux aussi, que les enfants de nos écoles s’y arrêtent et y réfléchissent ?