Le soleil : science et mythes

Publié le par Agnès Lenoire

1. La réalité : les humeurs d’une étoile
1610 : Galileo Galilei, en même temps que 250px-Scheiner_christoph.gifChristoph Scheiner, mais indépendamment de lui, observe des taches sur le Soleil, suit leur déplacement, et prouve que le Soleil tourne sur lui-même dans une lettre publiée en 1613.
Taches et éruptions
Le Soleil est de nature gazeuse; les régions en son centre tournent comme un corps solide et différentes couches, depuis le cœur, glissent les unes sur les autres, ce qui lui confère une rotation plus rapide à l’équateur (26 jours) qu’aux pôles (37 jours). Cette rotation différentielle très marquée, conjuguée à une débauche énergétique interne, commande l’évolution du magnétisme solaire 
Chaque tache sur la photosphère (surface visible) est une porte de sortie du champ magnétique sur l’extérieur. On peut les observer dans un simple télescope d’amateur muni d’un filtre à l’ouverture: elles apparaissent en effet plus sombres que la surface environnante du Soleil, parce qu’elles sont plus froides (4000° C au lieu de 6000° C pour la photosphère). 
                                                                                                                               

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Observation du Soleil dans un télescope équipé d'un filtre à l'ouverture avec une classe d'enfants de 5-6 ans.

Dans les périodes de grande activité magnétique, tous les 11 ans (par exemple, en 1989 et en 2000), les taches se regroupent et maculent la surface de part et d’autre de l’équateur. Ce sont les moments où l’on constate le plus d’éruptions solaires, ces puissantes échappées qui s’élèvent au-dessus de la surface en suivant des lignes de force comme celles de la limaille autour d’un aimant.
Ces éruptions, naturellement abondantes au moment du maximum de l’activité solaire, sont souvent associées à des régions actives du Soleil (groupes de taches), et forment un plasma chaud qui échappe à la gravité du Soleil. Les éjections de masse qui y sont liées se propagent, à des vitesses de plusieurs milliers de kilomètres par seconde, dans tout le système solaire, sous une forme résiduelle communément appelée « vent solaire ». Des protubérances peuvent alors se former et se présenter comme des boucles ou des arches qui suivent les lignes du champ magnétique


Attention, danger !
 
Il ne faut pas confondre les filtres à l’oculaire, qu’on place derrière la lentille, économiques, mais qui peuvent éclater par surchauffe (et c’est alors votre rétine qui brûle), avec les filtres d’observation placés à l’ouverture du tube optique, toute sécurité. Ne regardez jamais le soleil sans protection adéquate, type lunettes d’éclipse, ou feuille de mylar (en vente dans les magasins spécialisés ou chez les opticiens proposant un rayon d’instruments d’astronomie) ou encore masque de soudeur indice maximum. Le mieux est encore d’en faire une projection sur une feuille ou un mur blanc.
Deux boucliers naturels
Le Soleil peut apparaître comme un voisin un peu trop chaleureux pour les planètes telluriques les plus proches de lui (Mercure, Vénus, Terre). La Terre, au cours de son évolution, s’est vue dotée de deux boucliers : la magnétosphère, immense bulle de protection magnétique due à la rotation de son noyau liquide, et l’atmosphère, véritable forteresse contre les UV, directement issue de la vie. Mais si la Terre a les moyens de contrer la violence routinière du Soleil, elle est impuissante devant ses « caprices » éruptifs qui se reproduisent avec plus de violence tous les 11 ans, cycle dont l’origine est encore mal connue. Et l’évolution, phénomène indifférent et aveugle, n’a évidemment rien mis en place pour protéger la foultitude de miniatures électroniques qui bourdonne au-dessus de nos têtes !
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Magnétosphère terrestre : modèle des lignes de force du champ magnétique au voisinage de la Terre 
Des effets dévastateurs sur l’électronique
Les orages magnétiques terrestres sont la conséquence directe des éruptions solaires. Bien sûr, il y a ces aurores polaires qui drapent les hautes latitudes de magie, parce que la bulle magnétique a des brèches naturelles à ses pôles (les magnétopauses). L’interaction des particules solaires avec les atomes d’oxygène excités crée de grands voilages verts. Mais la magie ne fait pas oublier les risques…
Une bouffée colérique du Soleil dégage 1026joules en quelques minutes, soit l’équivalent de trente millions de centrales électriques de mille mégawatts fonctionnant pendant cent ans… Le vent solaire dégrade d’abord l’ionosphère terrestre puis se propage au sol par tous les conducteurs possibles.
Les immenses réseaux électriques tremblent, les communications haute fréquence se brouillent, les signaux TV s’interrompent, les microprocesseurs frémissent, les fusées en décollage perdent la tête….
Un violent orage multiplie par dix le risque d’échec d’un lancement de satellite en orbite géostationnaire, à 36 000 km d’altitude.
Le plus violent depuis 50 ans a eu lieu en 1989 et a privé d’électricité six millions de personnes en Amérique du Nord pendant 9 heures. Citons aussi la descente chaotique de la station Skylab en 1979, la perte de deux satellites canadiens en 1994, et enfin la catastrophe québécoise de 1998, entièrement mise sur le compte des pluies verglaçantes, alors qu’aucune météo, si dramatique soit-elle, ne peut abattre simultanément trois transformateurs sur quatre, et alors même que notre fidèle satellite d’observation solaire SOHO (voir encadré) filmait en direct une gigantesque éruption sur le Soleil.
Les satellites souffrent de différentes façons selon leur altitude : à 36 000 km, donc en dehors du cocon atmosphérique, les géostationnaires, dédiés aux communications, supportent directement les pluies de particules, lesquelles endommagent gravement les panneaux solaires.
Les satellites d’observation, ou les stations, comme ISS, sont en orbite basse (entre 300 et 900 km) et encaissent des effets indirects, essentiellement de freinage. L’orage échauffe la haute atmosphère, densifiant les molécules d’air en altitude. La force de traînée induite peut provoquer le dysfonctionnement des constellations de satellites ou des stations. À chaque violent orage, des centaines d’entre eux voient leur orbite modifiée et des heures de travail sont nécessaires pour les repositionner.
La météorologie spatiale a le vent solaire en poupe
Face à ces problèmes, et dans la perspective de prévisions plus fiables des colères du Soleil, une nouvelle discipline a vu le jour il y a quatre ans, impulsée par les Américains, rapidement suivis par les Scandinaves : la météorologie spatiale. L’Europe a rejoint ces dernières années les chercheurs de cette nouvelle science prévisionnelle, en créant des réseaux de surveillance du Soleil (l’un d’eux regroupe Alcatel, le laboratoire de l’Observatoire de Meudon et une équipe de planétologie de Grenoble). Du 21 au 26 octobre 2002, a eu lieu la 7e École d’Astrophysique d’Oléron. Le thème en était la météorologie spatiale.
Même si cette discipline est encore balbutiante (il reste encore des paramètres inconnus, comme une cartographie précise des intempéries solaires), les industriels, pour des raisons économiques, en attendent beaucoup. Pour affiner leurs connaissances et protéger les satellites, la France et la Chine ont d'ailleurs décidé de lancer ensemble un micro satellite qui étudiera "la physique solaire (éjections coronales de matières et éruptions),  la physique du milieu interplanétaire et de la géocouronne, et la météorologie spatiale". Il sera lancé vers 2010, date du prochain pic d'activité solaire.
  
Bibliographie sur le soleil :
 
·       Jean-Claude Pecker, L’avenir du soleil, 1990, éditions Hachette.
·       Kenneth R.Lang, Le Soleil et ses relations avec la Terre, 1997, éditions Springer Verlag.
·       La Recherche 320, mai 1999.
·       Ciel et Espace 360, mai 2000.
·       Elisabeth Nesme-Ribes et Gérard Thuillier, Histoire solaire et climatique, 2000, éditions Belin-Pour la science.
·       Philippe Dagneaux, Le soleil, splendeur et fascination, 2003, éditions du Chêne.
 
Le soleil sur le web
 
Ø    Département d’Astronomie Solaire de l’Observatoire de Paris :
Ø     SOlar and Heliospheric Observatory (SOHO):
Ø     Météo spatiale :
 
 
2. Les mythes : le Soleil tout-puissant
Aurores polaires mystérieuses
Le spectacle des aurores polaires drapant les hautes latitudes de lueurs vertes est la seule manifestation visuelle de l’activité magnétique du Soleil.
 En 593 avant J.-C, le Grec Anaximène voyait des nuages de gaz enflammé. Il semble qu’il s’agirait du premier témoignage d’observation d’une aurore.
Au XVII° siècle, c’est Galilée qui leur a donné le nom d’« aurore boréale », mais sans leur trouver d’explication.
Ce n’est que dans la première moitié du XXe siècle qu’un norvégien, Olaf Birkeland, associe les aurores avec des courants électriques créés dans l’atmosphère par des particules solaires. Jusque-là l’hypothèse la plus plausible était la réflexion de la lumière solaire sur la glace des pôles.
Légendes nordiques
Les aurores ont toujours fait l’objet de croyances de la part des peuples nordiques qui en étaient familiers.  
Les Shamans Inuits du centre du Canada prétendaient effectuer des voyages spirituels au sein des aurores pour y puiser des conseils sur le traitement des malades.

La plupart des groupes esquimaux voyaient en l’aurore la danse des esprits de certains animaux, saumons, phoques, rennes et bélugas.

Un mythe algonquin raconte que lorsque le créateur de la Terre eut fini son travail, il voyagea vers le nord et fit de grands feux pour dire aux gens qu’il ne les oubliait pas. Les aurores seraient les réflexions de ces feux.

Selon une tradition circumpolaire, les aurores représentent toujours les âmes des personnes qui sont décédées en versant leur sang lors d’un meurtre.
Les aurores sont associées à la mort, à la fécondité, à la chance, ou au malheur selon la provenance du folklore.
Des exégètes estiment que la vision divine du prophète Ezéchiel, associée par certains à la visite d’extraterrestres, serait en réalité une aurore boréale.Aurore.jpg
 
Bibliographie des légendes nordiques :
 
·       Dorothy Jean Ray, Legends of the Northern Lights.
 
·       S.I Akasofu, The Amazing Northern Lights. Alaska Geographic, volume 6, numéro 2, 1979.
 

La doctrine astrologique : cycle et magnétisme
De nos jours, les croyances liées au Soleil sont exploitées par les astrologues et reprennent deux thèmes chers aux tenants des influences astrales : une conception cyclique des événements et l’action du magnétisme, toujours omnipotent, en astrologie comme en pseudo médecine…
Forte de ces deux outils d’extrapolation, l’astrologie peut donner au Soleil tous les pouvoirs qu’elle désire lui voir attribués.
Le cycle le plus connu du Soleil est celui de 11 ans, au cours duquel son activité magnétique passe d’un maximum à un autre. Le dernier pic, nous l’avons vu, fut celui de 2000, le prochain sera en 2011. Excellente base, observationnelle et donc crédible, pour asseoir une dérive doctrinale d’influence cyclique…
Ainsi, sur un site web d’astrologie, on peut voir une courbe des pics d’activité du Soleil, de 1780 à 1970, datés et numérotés, et juste en dessous, la liste des événements terrestres qui leur sont corrélés.
À chaque pic a été associé un cataclysme, ou une guerre, ou une révolution. Par ailleurs, les périodes de creux solaires ne sont entachées d’aucun drame terrestre, ce qui paraît peu plausible au regard de l’histoire agitée des hommes et de leur planète.
Diversification des pouvoirs
Mais comme il ne suffit pas à l’astrologie d’être de mauvaise foi, il lui faut aussi, pour mieux consolider sa doctrine, renforcer les pouvoirs de l’activité magnétique solaire. On pourra donc sans doute constater, en y mettant de la bonne volonté, que tous les 11 ans, la production du vin, du blé, du riz, et de la végétation tout entière, ne lésinons pas, augmente de façon notable…
Toujours sur ce même site d’astrologie, vous pourrez apprendre que les pics magnétiques solaires sont aussi responsables d’accidents, d’admissions en psychiatrie, d’infarctus, d’embolies, de suicides, et qu’à ces périodes intenses, il y a aussi prolifération de lapins en baie d’Hudson, recrudescence d’invasions de sauterelles, et même, si, si, une multiplication… des aurores boréales !
Sur un autre site d’astrologie de longues pages sur le magnétisme, écrites par Jean-Paul Citron, vous feront rejoindre les statistiques de Michel Gauquelin, qui n’avait pas noté de corrélation entre les influences des astres à forte activité magnétique et le thème astrologique. Par exemple : Mars est une planète à faible champ magnétique et pourtant c’est un puissant moteur de thème astral. Le magnétisme ne serait donc pas primordial dans le jeu des influences astrales.
Mais Jean-Paul Citron n’abandonne pas pour autant ce cher magnétisme. Il conclut que ses effets se superposent aux effets planétaires. On n’y échappe pas, d’une façon ou d’une autre.
Selon les astrologues, tout ce qui se passe dans le ciel doit avoir une importance, un effet utile ou nuisible pour l’être humain. Parmi les effets douteux des phénomènes solaires, on peut signaler aussi la corrélation que certains ont cru voir avec les infarctus. D'une manière générale, il faut se méfier des corrélations issues du passé : elles ne marchent jamais pour l'avenir, simplement parce qu'elles résultent d'une sélection et non d'une réalité physique.
Le mythe de Prométhée
on peut lire, après élimination des hypothèses scientifiques, que
« Plus intéressante est la constatation suivante : les cas de combustion humaine spontanée augmentent quand la courbe géomagnétique de la Terre est à son maximum. Cette courbe varie considérablement en fonction de l'activité solaire.
 
Cela semblerait indiquer que les combustions humaines spontanées sont le résultat d'une chaîne d'événements complexes, d'une interaction entre certaines conditions astronomiques bien spécifiques et l'état physique d'un individu. »
 
L’auteur précise en effet que l’activité magnétique intense qui leur est associée perturbe la courbe géomagnétique de la terre et il en déduit que les conditions imposées par le Soleil peuvent entraîner la combustion d’un corps humain, après une suite complexe d’événements… qu’il ne nous explicitera pas, bien sûr !
Chassé-croisé
Au cours du XXe siècle, les connaissances sur le Soleil ont avancé à grands pas, sa nature a été élucidée et son fonctionnement en grande partie expliqué. Les croyances reculent. Mais d’autres naissent. Comme si le ballet des légendes jouait un chassé-croisé avec la science, l’un refusant de laisser un iota de terrain vierge à conquérir à l’autre.

Publié dans Sciences

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D
MRRBonjour ! un ptit coucou ! bonne soirée ! bisous !
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J
Bravo, voila un dossier passionnant d’une astronome passionnée. Jean
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