Nos petits agités du portable

Publié le par Agnès Lenoire

Une étude scientifique réalisée par Hozefa A. Divan, Leeka Kheifets, Carsten Obel et Jorn Olsen, «  Prenatal and postnatal exposure to cell phone use and behavioral problems in children » semblerait montrer que les ondes électromagnétiques des téléphones mobiles agiraient sur le fœtus. Dans cette étude, relayée par Rue89, les chercheurs ont examiné 13 519 enfants nés en 1998 et 1999, et interrogé leurs mamans sur leur pratique de téléphonie à l’époque de leur grossesse. Ils ont trouvé que les petits exposés au portable de leur mère avaient 54 % de risques supplémentaires d’avoir des troubles du comportement. Plusieurs questions me viennent à l’esprit : pourquoi les ondes provoqueraient-elles des désordres comportementaux et pas des lésions organiques ? Le trouble de conduite est quelque chose de hautement subjectif : où commence-t-il ? À quel point décisif la dynamique d’un enfant naturellement ancrée dans l’activité motrice bascule-t-elle dans la pathologie ? Difficile de le dire. On pourrait épingler une lésion organique et en faire une certitude, mais le jugement sur le comportement ne sera jamais une démonstration fiable.
Par ailleurs, comment les mamans interrogées ont-elles pu répondre  objectivement alors que leur grossesse remontait à 9 ou 10 ans ? Vous savez combien d’heures vous téléphoniez par jour il y a 10 ans, vous ? Cela ressemble à un recueil de témoignages … Une étude n’aurait-elle pas besoin de faits avérés et mesurables ?
Dans mon métier proche des petits et de leurs mamans, je constate une chose : les mamans accrochées à leur portable de façon excessive sont des mères anxieuses, qui se retrouvent disponibles à tout va, esclaves de leur mobile… et  esclaves de leurs petits. Car trop souvent vissées à leur téléphone, elles sont aussi, pour la plupart, esclaves de leurs enfants tyranniques. Auraient-ils été contaminés par des ondes pendant leur séjour in utéro ?  Ou bien sont-ils les enfants de mamans (et de papas) incapables de dire « non ! », non au portable partout et toujours, non à la mode de la communication obligatoire avec le cosmos, non aux caprices de leur enfant, non à l’esclavage en général. Dans une brèche comme celle-ci, l’enfant s’engouffre. Le parent qui se prête à un tel assujettissement va éduquer  un petit être  agité et papillonnant, instable, et agressif s’il n’obtient pas satisfaction. La dépendance est un état d’esprit, elle se manifeste en public avec les comportements de téléphonie, mais elle est présente sous des formes différentes, moins visibles parce que plus intimes : tyrannie de l’enfant à la maison,  exacerbation des relations familiales, modèles de parents peu disponibles… parce que trop disponibles.  Je crois que la pratique  échevelée de la téléphonie mobile, en ne ménageant pas de place à l’écoute, à la stabilité et à la construction lente de l’individu, ouvre la porte à l’agitation et la dispersion des enfants.  La conclusion de cette étude pourrait être : éteignez vos mobiles, et écoutez plutôt votre bambin vous raconter sa journée sur le chemin du retour de l’école. Il pensera moins à vous lâcher la main pour courir devant les voitures !

Publié dans Éducation

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S
C'est le problème avec les études cas témoins, le problème du souvenir. Je partage tout à fait votre point de vue sur cet usage un peu abusif du portable. Je ne suis pas sur qu'il témoigne de l'anxiété mais plutôt d'un besoin d'ubiquité qui se traduit dans une incapacité à profiter du moment donné
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