50 ans de Miss France et une épopée de foire agricole

Publié le par Agnès Lenoire

 

Sur le site officiel des Miss France, dans la rubrique qui liste les cinquante dernières Miss élues, on peut lire en haut de page : « L’histoire d’une épopée qui  n’est pas prête de s’arrêter. » Une phrase pareille, ça fiche la trouille à toutes les femmes. Du moins à celles qui se désespèrent que, grâce à une machine médiatique lourde et efficace, on offre aux  jeunes filles d’aujourd’hui des modèles féminins de vaches de concours, dont on évalue la finesse de la cuisse, l’ondulation du déhanché et la blancheur des dents. Grâce à ce formatage, on les aide à ne surtout pas avoir envie d’être chef, que ce soit d’entreprise, de laboratoire, de chantier, ou politique.

 

Samedi 13 décembre 2008, dans l’émission « + clair », sur Canal +, émission présentée par la très consensuelle Charlotte Le Gris de la Salle, on a pu avoir un aperçu de la totale transparence d’une miss, représentante jolie-souriante-et-muette d’une féminité rabaissée au statut d’objet de décoration. Arrivée sur le plateau enveloppée de son ruban-cadeau en travers de la poitrine, flanquée de sa douairière Geneviève de Fontenay, elle n’a pas dit plus de six petites phrases  simples et bien construites qui n’ont fait aucune vague autour d’elle. Non par incapacité à discuter de la dite demoiselle, mais par un savant dressage orchestré à l’avance, dressage à la discrétion et à l’invisibilité de son intellect.

 

L’animatrice, comme je m’y attendais, n’a d’ailleurs posé la plupart de ses questions qu’à la douairière, qui en a profité pour nous servir ses fameux grands principes moraux. Cette dame prétend même que l’attitude de V. Bègue dénoncée l’an dernier, et qu’elle continue de dénoncer avec force, ne correspond  pas  à « l’image que les gens se représentent d’une jeune fille ». De quoi je me mêle ? Madame Fontenay ne s’y connaît pas plus que vous ou moi en matière de ce que doit être une jeune fille, qui demeure une liberté individuelle fondamentale de chaque citoyen(ne !), ni en matière de ce que pensent « les gens ». Mais  pour mieux faire passer ses valeurs, il vaut mieux faire croire avec conviction, et avec l’aide des médias, qu’elles sont universelles. Valeurs féminines un peu spéciales, de nos jours, pourtant : statut de petite fille sage, apparence lisse et belle, cerveau dissimulé derrière les apparats,  invisibilité de la pensée critique,  obligation au bonheur affiché et à la reconnaissance mille fois servie. Pas grand-chose d’humain ni d’émancipé, finalement.

 

Lors du sujet réalisé pour l’émission, Rémy Pernelet, rédacteur en chef du magazine TV deux semaines a qualifié madame Fontenay de « mégère »,  parce qu’elle avait déchiré sur un coup de colère une affiche qui annonçait la venue de V. Bègue à la cérémonie des Miss.  Après le reportage, sur le plateau, G. de Fontenay a joué les grandes dames bafouées et a fait mine de s’en aller. La gentille Charlotte l’a calmée en lui disant qu’elle pouvait répondre au rédac-chef. Alors, on a vu tourner une énième scène de son film habituel : la douairière brandissant les bonnes mœurs et se plaignant qu’on l’insulte. 

 

Charlotte Le Gris de la Salle s’est adressée 21 fois à nos deux invitées sous forme d’affirmations ou de questions, dont 7 fois à Chloé Mortaud directement. Sur ces 7 fois, une a failli lui être volée par son chaperon au grand chapeau, et Charlotte a fait taire G. de Fontenay pour que sa pouliche puisse répondre elle-même. On respire ! Grâce à l’animatrice, Chloé a pu s’exprimer 7 fois et a évité l’endormissement brutal, droite et obéissante, sur son siège.


Illustration : José Tricot

Publié dans Egalité des sexes

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S
Agnès, j'applaudis des deux mains votre article, et je suis consternée par les commentaires précédents... Qu'une femme ose critiquer le système des concours de beauté, et on lui répond : "elle est jalouse !" Comme c'est facile... Enfin, bref, je souscris à vos analyses. J'ai été amusée par le titre de votre article, parce que j'en ai écrit un sur le même thème (comparant les Miss à un élevage de dindes), mais j'avoue que votre texte percute plus que le mien !Je vais surfer u peu sur votre blog qui m'a l'air pertinent !
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E
A se demander si la dénonciation toute féministe de Miss France ne cacherait pas une jalousie toute féminine d'une jeunesse à la fois belle et pragmatique... Avez-vous songé, Agnès, que peut-être de nombreuses jeunes femmes aujourd'hui avaient parfaitement saisi l'atout que représentait leur beauté et étaient bien décidées à en retirer le plus d'avantages possible ? Un an à faire la potiche, quel coût dérisoire, au final, au regard du gain réalisé, en termes d'expérience de vie, de relations dans des milieux d'influence ou tout bêtement matériel ! Et en effet, comme le note Grasyop, Mme de Fontenay est bien à la tête de sa petite entreprise depuis des décennies ; c'est une femme forte, indépendante et drôle. Ah, certes de son époque, cette époque où les convenances avaient encore quelque importance. A présent, quel "progrès" : vulgarité et autopromotion se disputent la place sur le podium du narcissisme contemporain. Les femmes ont désormais les dents aussi longues que les hommes : c’est ainsi que le féminisme se révèle comme cheval de Troie du libéralisme. Ou pourquoi la bourgeoise du 16e arrondissement n'a rien de commun avec l'ouvrière de province...
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G
Bonjour,On ne peut pas empêcher des filles de vouloir participer à un concours agricole. Ni des garçons d'ailleurs. Et on ne peut pas empêcher non plus d'autres personnes, le public, de s'intéresser au dit concours agricole et de le faire vivre. Chacun est libre de ses centres d'intérêts. Est-ce les médias qui imposent Miss France et formatent le public, ou bien est-ce le public qui impose ses goûts aux médias en zappant vers un média concurrent si le premier ne satisfait pas ses goûts ? Je n'ai pas de raison de penser que les programmateurs télé, qui sont des gens comme les autres, aient plus de goût pour l'émission Miss France que les téléspectateurs eux-mêmes. Ils donnent simplement au public ce que le public attend, et je pense qu'on ne peut pas leur en vouloir pour cela (ils risquent la faillite sinon).Je suis ensuite un peu surpris par l'alternative que vous proposez : vous préféreriez que ces filles aient pour ambition de devenir chef de quelque chose. Vous voudriez que les média instillent cette ambition aux jeunes filles à travers les femmes qu'elles présentent. Vous voulez voir à la télé des femmes chefs d'entreprise. Bah, vous devriez être ravie, vous en avez vue une : Mme de Fontenay est bien chef de son entreprise, non ? N'est-ce pas là le modèle dont vous rêvez ?Je vous taquine un peu, mais il me semble que ce que vous défendez généralement, c'est la science, et ce que vous voudriez voir instillé par les médias, c'est le goût pour la science, pour la réflexion, pas pour le pouvoir et l'ascension sociale, si ? (Sinon, encore une fois, Mme de Fontenay semble un modèle adéquat... )
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D
Bon pour les miss France je ne connais pas les détails de l'affaire mais pour les miss monde, la gagnante je la trouve bien jolie !Amitiés
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