Galilée et les Indiens - Allons-nous liquider la science ?

Publié le par Agnès Lenoire

Étienne Klein
Galilée et les Indiens

Allons-nous liquider la science ?

Éditions Flammarion, coll. Café Voltaire, 2008,118 pages, 12 €.

 

« Je ne voudrais pas qu’on liquide l’esprit de la science au motif d’un mauvais usage du monde. » Page 21.

 

Le titre commence par intriguer : il n’est pas habituel de juxtaposer le savant qu’était Galilée et un peuple de l’Amazonie. Mais Etienne Klein va très vite nous l’expliquer. Les Indiens, c’est une étape de son parcours personnel, qui lui a fait rencontrer en 2005, grâce à une de ses étudiantes, une tribu d’Amazonie venue à Paris défendre ses droits. En les écoutant, il prend conscience que tout comme nous, ils sont doués pour la conceptualisation, la logique, l’argumentation. Ils craignent que notre monde technologique ne détruise le leur, et le défendent avec intelligence, tout en entretenant avec la nature ce lien étroit fait de mythes et de croyances. L’auteur se plonge alors dans une réflexion sur le statut de la science occidentale qui, grâce à Galilée, a rompu avec la magie pour privilégier les faits et le langage mathématique. La nature devient extérieure à l’homme et peut ainsi être étudiée. Descartes  renforcera cette attitude. Etienne Klein admet que cette rupture a sans doute conduit à des excès, à une certaine arrogance. D’étudiée, la nature se retrouve répudiée. Car en introduisant l’idée d’un monde mathématique, Galilée a involontairement et progressivement vidé le monde matériel de sa substance, mettant hors réalité les affects. Affects inutiles à une analyse méthodologique, certes, mais dont le glissement vers l’inutile entraîne alors le mépris et la mise au rebut de tout ce qui est humain.

Ne croyez pas pour autant que l’intention de ce livre soit de discréditer la science moderne initiée par Galilée, bien au contraire. E. Klein va tenter de faire le portrait d’une science belle et admirable, que les étudiants dédaignent de plus en plus, et que l’on doit absolument réhabiliter, en comprenant mieux le hiatus qui la sépare de notre société. Il dénoncera avec vigueur le relativisme qui envahit les disciplines, et qui fait dire à certains de ses étudiants « qu’ils ne sont pas d’accord avec Einstein », ou que « la science n’est  qu’un récit parmi d’autres ». Pourquoi le relativisme, qui affaiblit la science, est-il sur le point de conquérir et les étudiants et le public ? Parce que la quête de vérité que mènent les savants leur paraît outrecuidante. Pourtant, qu’ils y parviennent ou non, les chercheurs ont besoin de ce moteur. Ils savent que la connaissance du monde est toujours incomplète mais ils espèrent pouvoir en combler quelques lacunes. E. Klein a une très belle expression au sujet de l’ « objet-science » : il dit d’elle qu’elle est un «  trésor d’incomplétude ».

Le petit livre de monsieur Klein est un beau plaidoyer, très joliment écrit, où l’amour de la science  parcourt les pages, comme un fil conducteur à ne pas lâcher. Malgré les constats alarmistes, il nous exhorte à rester confiants.

 

Publié dans Notes de lecture

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
C
Bonjour Agnès,<br /> Je propose tout simplement en commentaire un lien sur Canal Académie pour écouter Etienne Klein parler de la philosophie des sciences et de son livre.<br /> Bonne journée Bernadette Couturier<br />
Répondre
A
Vous avez raison au sujet de Galilée, Loïc, c'est juste que Galilée, par rapport à Kepler, faisait des expériences pour vérifier ses théories. C'est pour cela qu'on dit de lui qu'il est lepremier scientifique moderne. Kepler était mathématicien, ses découvertes sont des calculs. Il ne faisait pas d'expérience, n'observait pas, victime d'une très mauvaise vue. Il a beaucoup admiré Galilée et a tenté de correspondre avec lui, mais Galilée était assez condescendant.AmitiésAgnès
Répondre
L
Merci pour ce conseil de lecture, Agnès. Rappelons toutefois que la science n’a véritablement commencé qu’avec Kepler, puisque Galilée n’a jamais démontré sa théorie. En outre, non content d’affirmer sans preuve, Galilée se mêla de théologie, se piquant de donner des leçons d’exégèse aux autorités religieuses avec lesquelles il s’entretenait. L’Eglise était donc doublement fondée à condamner notre savant et manifesta néanmoins une clémence toute particulière à son égard, grâce à l’amitié que lui portait le Pape Urbain VIII : Galilée ne subit aucun martyr et ne fit pas un jour de prison. Tout cela, entre autres corrections de la version officielle qui participe du mythe moderne, se trouve magistralement exposé dans l'ouvrage de l'historien Aimé Richardt (lauréat de l'Académie française), intitulé La vérité sur l'affaire Galilée et qui devrait intéresser toute personne amoureuse de la vérité (le scepticisme n'ayant pas de chapelle, n'est-ce pas, Agnès ?). Je vous en recommande donc vivement la lecture (chacun son tour ).
Répondre