"Si elles avaient le pouvoir, qu'est-ce qui changerait ?"
Journée de la femme oblige, les débats et infos sur les femmes fleurissent dans les médias. Hier matin, sur France Bleu, le sujet du débat était : « Si elles avaient le pouvoir, qu’est-ce qui changerait ? ». Devant partir travailler je n’ai pu entendre que la première opinion d’une auditrice, très classiquement établie et donc prévisible. D’après elle, si les femmes avaient le pouvoir, il y aurait – je cite de mémoire - plus d’humanité et plus de soin dans les prises de décision.
C’est vraiment l’idée féministe la plus convenue qu’on trouve actuellement dans notre société : laisser la place aux femmes afin qu’elles puissent changer le monde. Comme si les femmes, par nature, avaient la capacité de tout faire rentrer dans un ordre idéal. Il se trouve que leur éducation fait d’elles, encore aujourd’hui, des êtres préparés à endosser la charge de mère. Cette éducation est de moins en moins criante, mais elle se maintient à un niveau d’efficacité suffisant, ce qui explique l’engagement des filles dans des carrières de dévouement, qu’on dit essentiellement « faites pour elles » (secrétariat, services aux autres, paramédical, enseignement). Il se trouve qu’avec ces qualités-là, elles ne sont pas prises au sérieux dans les hautes sphères du pouvoir, et que la seule façon de parvenir dans ces fameuses hautes sphères, c’est la pugnacité.
Supposons maintenant que tout se transforme beaucoup plus vite et donnons tout le pouvoir aux femmes. Qu’est-ce qui changerait ? Rien ! Les femmes auraient finalement les qualités et les défauts des êtres humains. La diversité est la règle, et la perfection un rêve. Sauf qu’on aurait créé une nouvelle inégalité, dans le sens inverse de ce qui existait avant. Statu quo. Et il serait alors utile de créer un mouvement "masculiniste".
Je trouve dommage qu’une certaine vision – biaisée - du féminisme fasse croire que les femmes veulent tout le pouvoir, ce que sous-entend le titre de l’émission citée en début de billet. Les femmes veulent un accès équitable au pouvoir, c’est tout. Poser les femmes en sauveures d’un monde trop virilisé revient à poser cet éternel problème de la discrimination, qui engendrerait toujours les mêmes monstres : création d’une minorité, statut d’invisibilité, abus de pouvoir.
Ne serait-il pas plus raisonnable et accessible de revendiquer le partage, par simple souci d’équité ?
Dessin de José Tricot