L’astronomie en quête de nouvelles Terres ?

Publié le par Agnès Lenoire

 

 

 

 

Image extraite du site de SOHO (Nasa)

 

 

 

 

 

En avril 2007, une planète tellurique, Gliese 581C,  a été détectée à 20 années-lumière d’ici, planète dont le diamètre est de 50% supérieur à celui de la Terre et qui se situe dans la zone estimée réunir les conditions nécessaires au développement de la vie. L’adjectif « habitable « lui fut aussitôt accolé, même dans les médias les plus spécialisés, comme le site de Ciel et Espace. Ce qui signifie, en français, qu’on pourrait peut-être y habiter… Las ! Il s’agit juste d’un abus de langage pour désigner un lieu où la vie peut sans doute se développer, ce qui reste à vérifier. Il peut s’agir de simples bactéries. De là à y établir nos pénates humaines…Mais admettons, avec réticence, qu’elle soit habitable, et rêvons un peu.

Savoir si d’autres planètes existent autour d’autres étoiles que le Soleil est un des plus vieux problèmes scientifiques de l’humanité. Il fut évoqué par Epicure au IIIième siècle av. J.-C. et fut soutenu avec ferveur par Giordano Bruno au XVIième siècle. Huygens, Fontenelle, Kant, et, au XIXième siècle, Flammarion, grand vulgarisateur de l’astronomie, défendirent l’idée de pluralité des mondes. Mais c’est le XXième siècle qui  verra se concrétiser une partie de ces idées : en 1983, le satellite IRAS (Infrared Astronomical Satellite) fait une plongée dans un disque de poussières autour d’étoiles jeunes. Première promesse de planètes....

La grande aventure de la découverte des exoplanètes  s’est concrétisée en 1995. Fin octobre 95 plus exactement, coup de tonnerre dans le ciel des astronomes : une planète « extra-solaire » ou « exoplanète », c’est-à-dire une planète orbitant autour d’une étoile autre que la nôtre, a été débusquée par deux astronomes suisses, Michel Mayor et Didier Queloz, de l’observatoire de Genève.* La découverte eut lieu à l’observatoire de Haute Provence, sur un télescope de 1,9 m, équipé du spectographe ELODIE, élaboré au laboratoire de l’observatoire de Genève. La Suisse avait l’habitude des succès remportés en physique des particules, la voilà maintenant propulsée sous le feu des étoiles !! Belle revanche aussi pour le petit observatoire de Haute-Provence, menacé de fermeture par la mondialisation de l’astronomie et la construction de télescopes géants.

Cette première d'une longue série - qui n'est pas close - orbite autour de l’étoile  51 Pégase A, de type solaire, située à 42 années-lumière de la Terre (une année-lumière ou A-L = 10 000 milliards de km). Sa planète, 51 Pégase B, est une géante gazeuse de la masse de notre Jupiter, et tourne autour de son étoile à seulement 7,5 millions de km, en quatre jours.

Se brûler à son étoile

Mercure, elle, est déja à 50 millions de km du Soleil alors qu’elle en est la plus proche. Comment expliquer qu’une planète géante se forme si près de son étoile, alors que les modèles de formation planétaire prévoient qu’elles en naissent très loin ? La découverte de 51 Pégase B ne suffisait pas, à elle seule, à remettre en cause les modèles établis, mais en attendant d’autres exoplanètes, la question restait posée. D’ailleurs, la pêche ne faisait que commencer car les astronomes furent pris de fièvre....Entre octobre 95 et septembre 99, vingt-deux planètes sont  tombées les unes après les autres dans l’escarcelle des astronomes, dont trois dans celle de l’équipe suisse. Un des plus jolis coups de filet fut celui d’avril 99 : ce ne fut plus une planète, mais un vrai système planétaire qui fut trouvé autour de Upsilon Andromède, à 44 A-L de la Terre, par  deux équipes américaines. L’étoile  entraine avec elle un véritable  cortège de  trois planètes, de une à cinq fois la masse de Jupiter, formant un système beaucoup plus compact que notre système solaire: ses planètes circulent à  0,05 - 0,89 et  2,5 Unités Astronomiques de leur étoile( 1 U-A = la distance Terre-Soleil, c’est-à-dire 150 millions de km en moyenne). À titre de comparaison, Jupiter se trouve à un peu plus de 5 U-A du Soleil. C’est donc un travail de fourmi de dénicher ces géantes noyées dans la lueur de leur étoile. Découvrir de petites planètes telluriques est un vrai défi !

Les méthodes de détection : toutes indirectes

Par quelles méthodes ont été découvertes ces vingt-deux planètes ? Une dizaine de méthodes existe, toutes opèrent de manière indirecte, puisqu’aucune exoplanète ne se révèle en optique, c’est-à-dire dans la longueur d’onde de la lumière visible. Celle qui a permis la découverte de 51 Pégase B est la spectrométrie. Le spectre de la lumière nous fut révélé par Newton. 
Le vingtième siècle a vu la naissance de la spectroscopie qui permet d’étudier la composition chimique des étoiles. Puis, en 1929, l’astronome américain Hubble utilisera le décalage vers le rouge de la lumière des galaxies pour prouver la dilatation de l’univers. Le spectre lumineux  se présente donc comme un peigne fin dont  chaque dent est à la fois une longueur d’onde et une couleur. Si le spectre d’une étoile se décale vers le rouge, elle  s’éloigne, si elle se décale vers le bleu, elle se rapproche. Sa vitesse  radiale peut ainsi être mesurée, grâce à des spectrographes sophistiqués comme  SOPHIE ou HARPS, élaborés et utilisés par l’équipe suisse, et permettant de mesurer des  déplacements de  3 m par seconde (4 fois plus précis que ELODIE qui avait découvert 51PégaseB ).. Et quand une étoile trahit son mouvement par son décalage spectral, c’est qu’une planète la perturbe ! En effet, l’attraction gravitationnelle d’une planète impose à son étoile, pourtant plus massive, de tourner autour d’un point très proche de celle-ci, son centre de masse. C’est comme si l’étoile oscillait et faisait un clin d’oeil aux astronomes: “ Devinez qui danse avec moi ?” De la mesure du décalage spectral pourront  alors être déduites  la masse et la distance de la planète perturbatrice.

Une autre méthode, l’astrométrie,  consiste à mesurer non plus le décalage spectral, mais la variation de position de l’étoile sur le fond du ciel au cours de son oscillation. Mais au vu des distances gigantesques, la finesse de la résolution angulaire ne sera pas atteinte sans une technique des plus performantes: l’interférométrie. Elle consiste à mettre en réseau la lumière de plusieurs télescopes séparés de plusieurs mètres ou kilomètres. La recombinaison  donnera la même qualité d’image qu’un télescope géant. Le Very Large Telescope de l’ ESO( European South Observatory), au Chili, qui comporte quatre télescopes de huit mètres de diamètre chacun, est mis en service comme interféromètre. Plusieurs d’entre eux sont  opérationnels et donnent  des images d’une résolution  égale à celle du télescope spatial Hubble, qui, lui, est affranchi de toute turbulence atmophérique... Bel espoir donc, avec le VLT, de démasquer d'autres petites planètes telluriques... Enfin, la détection par photométrie, à condition que l’observateur soit dans le même plan d’orbite  que l’étoile étudiée, permet de détecter une baisse de luminosité de l’étoile (variation de 1/100), lors du passage de la planète devant elle( = transit). 
Il faut ensuite surveiller les transits successifs pour confirmer qu’il s’agit bien d’une révolution planétaire. À cet effet, une mission de satellite en orbite, COROT, affrêté par le CNES( Centre National d’Etudes) a été lancé en 2004 et est porteuse d'espoir au vu de ses premiers résultats. Grâce à la sensibilité de son photomètre,  il peut  surveiller les variations d’éclat d’étoiles pendant 150 jours d’affilée, de quoi établir le cycle d’une planète proche de son étoile. Spectrométrie, interférométrie, photométrie: trois méthodes parmi d’autres pour soutenir le travail de bénédictin des observateurs. “Non, nous ne sommes pas des collectionneurs” proteste Michel Mayor lors d’un entretien avec un journaliste de la revue Ciel et Espace (septembre 1996). Il est vrai qu’une simple compilation de données, si impressionnante soit-elle, serait inutile sans un énorme travail de défrichage, d’analyses, et d’élaboration d’hypothèses. Le besoin est d’ailleurs grand de trouver une hypothèse de formation de géantes aussi proches de leur étoile. Pour l’instant, seul un phénomène de migration de la planète sur une orbite plus serrée semble être accréditée par la communauté astronomique. Cette explication laisserait supposer que notre Jupiter aurait pu se former beaucoup plus loin du Soleil puis migrer sur son orbite actuelle; les élaborations de modèles sont ouvertes et ne font que commencer...

L’exoplanétologie est née;  elle a permis de dénicher quelque 220 planètes,  mais laquelle sera porteuse d’un immense océan bleu à l’écume prometteuse?

 

* Publication dans Nature 355, 378,  1995

À lire pour plus d'infos sur Glies 581C : la page de Ciel des hommes

Méthode photométriqe

Vitesses radiales

Publié dans Sciences

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
A
Merci ! Je vais corriger !Agnès
Répondre
S
Juste une petite erreur, la lettre philosophique de Voltaire "Sur l'Optique de M. Newton" n'est pas la vingt-cinquième, c'est la seizième. La vingt-cinquième lettre concerne "Les pensées de M.Pascal".;)
Répondre