Respect de la nature et exploitation humaine

Publié le par Agnès Lenoire

Suite de mes pérégrinations sur l’emblème de la cosmétique naturelle : Yves Rocher.  Outre que son lien avec la nature n’est pas avéré sur tous ses produits (voir billet du 9 juin),  Yves Rocher diffuse des messages qui sont faux. Son opération actuelle « Avec Yves Rocher, plantons 1 million d’arbres » est basée sur une idée reçue, celle que la forêt serait le poumon de la Terre. Il y a deux semaines de cela, le slogan sur le site était : "En un an, un arbre  rejette suffisamment d’oxygène pour une famille de 4 personnes". On peut aussi remarquer avec amusement que, en page d'accueil, il s'agit de planter 1 million d'arbres, mais si vous cliquez sur "Objectif : plantons !", vous découvrirez que le but est 1 milliard de plantations !! Revenons au poumon de la Terre : on sait que ce qui est absorbé en CO2 par une plante en plein jour est rejeté en CO2 la nuit. Sur le long terme le bilan s’équilibre car la forêt consomme pour son fonctionnement tout l’oxygène qu’elle produit. Les lycéens de Notre Dame Providence à Enghien-les-Bains dans le Val d'Oise nous le rappellent dans leur TPE. Le vrai poumon de la Terre, c’est l’océan, où le phytoplancton produit l’essentiel de l’oxygène dont nous avons besoin. Certes la forêt a besoin d’être protégée, mais plutôt pour des raisons de maintien de la biodiversité.  

« Est-ce que je vois la vie en vert ? », c’est le test proposé aux femmes qui visitent le site web d’Yves Rocher. Celui-ci possède aussi d’autres entreprises, comme Petit Bateau, Stanhome, Daniel Jouvance, Dr Pierre Ricaud, Laboratoire Santé Naturelle, Françoise Saget, Le Monde en Parfum, Kiotis et Galerie Noémie.

Quid de la protection de « la vie en vert » chez ses autres filiales ?  On ne saura pas si le soin à la nature y est aussi « vif et spontané » que sous l’enseigne de la Gacilly.  Est-ce que cela lui importe après tout ? Ce qui préoccupe Yves Rocher, on l’a bien compris et intégré, c’est la couleur verte de ses dépliants et le sourire de ses clientes, mais la vie en gris et noir de  ses employées, il s’en soucie moins. Il y a un an et demi, en 2005, il a licencié 133 de ses ouvrières à Ouagadougou (Burkina) sans préavis ni indemnités, après 9 ans de mauvaises conditions de travail (serrées sur des bancs, dans la chaleur et sans ventilation), et soumises à des brimades et des contraintes.         Femmes du Burkina. Crédit photo : Olivia Lenoire

Une campagne de solidarité Gacilienne (la Gacilienne est le nom de l’entreprise Y. Rocher au Burkina, nom tiré de ses jardins de la Gacilly en Bretagne…) s’est mise en place, réunissant des organisations syndicales, de solidarité, féministes. Des milliers de signatures ont été recueillies, poussant Y. Rocher à la négociation. Les ouvrières de Ouagadougou ont gagné en janvier 2006.

On ne se méfiera jamais assez du culte de la Nature brandie comme une bannière. Elle sert à se donner bonne conscience mais l’angélisme qui s’en dégage est souvent trompeur.  L’écologie, quand elle présente ce visage excessif et commercial, ne s’encombre pas de soucis humains. Yves Rocher aime les femmes, mais n’a pourtant pas hésité à les exploiter. 

Publié dans Idées reçues

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S
Cet article me fait penser à la mode des plante "dépolluantes" pour assainir l'air intérieur. Mais bien sûr... alors que d'aérer correctement son logement est nettement plus efficace, mais bon, la nature c'est quand même plus chic n'est-ce pas ?Salutations
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C
Une petite précision: une plante ne rejette pas la nuit (par respiration) tout le CO2 absorbé le jour car la photosynthèse produit de la matière végétale à base essentiellement de carbone. Un arbre fixe donc dans sa biomasse du carbone. Ce qui est  vrai c'est qu'une forêt à l'équilibre rejette autant de CO2 qu'elle en fixe par photosynthèse (ce n'est donc pas un "poumon", on est d'accord), mais la biomasse végétale de cette forêt n'en constitue pas moins un puits de carbone dont l'intérêt qu'il y a à le maintenir s'ajoute à celui de la préservation de la biodiversité.Les sols forestiers constituent également un important puits de carbone (supérieur à la biomasse végétale) et la disparition de la forêt entraîne celle des sols et donc une libération de carbone. 
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