La voyance s’offre Le Monde
Une jolie pub pour la voyance s’affiche dans Le Monde de dimanche 3-lundi 4 juillet, en rubrique « & Vous ». L’article n’est pas passionnant, puisqu’il ne nous présente que des témoignages, et que les chiffres ne sont même pas actualisés : ils datent de 2007. La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) avait alors estimé le marché à 3,2 milliards d’euros répartis entre 50 000 astrologues.
L’étude de la DGCCRF a un objectif uniquement économique : évaluer l’impact et la progression. Les abus annoncés en sous-titre de l’article ("des abus en tout genre") ne sont guère décelables, sauf pour les plus spectaculaires, comme les sommes vertigineuses demandées parfois aux clients. Mais qu’en est-il des sommes non négligeables prélevées régulièrement sur de petits budgets, comme pour les personnes qui témoignent dans l'article, consentantes il est vrai ? Elles ne sont pas lésées ? Il y aurait une différence de nature entre les deux, au point de ne pas traiter les secondes, non dignes d'intérêt ? Le phénomène est pourtant le même dans les deux cas : il y a escroquerie avérée, dans le premier cas grosse escroquerie visible, dans le second cas, escroquerie mineure, donc invisible.
Le seul point positif de l’article est l’intervention d’un psychiatre, Jean Sandretto, qui met en avant le « risque de faire croire que nos comportements sont déterminés, programmés. » La bonne santé intellectuelle, c’est peut-être d’abord et avant tout une autonomie de la pensée, non ? Cela ne signifie pas que chacun doive se débrouiller seul avec ses problèmes, mais que l’aide des voyants est d'abord une décharge du client sur le prestataire, une laisse (un témoignage parle d'addiction), plutôt qu’une aide à y voir clair et à prendre de bonnes décisions en pleine conscience.
Mais de toute évidence, le but de l’article était juste de dénoncer ces fameux abus, et de présenter une solution-miracle : l’institut national des arts divinatoires (INAD) de monsieur Youcef Sissaoui. Le Monde fait ainsi deux colonnes de pub à un voyant qui prétend moraliser la profession. Vous pouvez lire ce que j’avais écrit sur cet institut et son président sur ce blog, ICI. L’Observatoire zététique avait lui aussi critiqué les méthodes de l’INAD dans leur lettre « POZ n°7 ». Dommage que l’auteure de l’article ne soit pas allée lire les sceptiques avant de valoriser un voyant un peu plus futé que les autres, mais qui n’est qu’un voyant !
Dessin de José Tricot