Que « les identités se brouillent et se reforment d’une nouvelle façon » !
La question de l’identité nationale a fait beaucoup réagir. Le philosophe et enseignant Mathieu Potte-Bonneville répond à la proposition de M. Besson, dans Libération du 29 octobre 2009 par un « ça ne vous regarde pas ! » qui rejoint un peu ma réflexion, postée en vain sur le site, et qui affirmait que l’identité, si on tenait à l’évoquer, tenait à l’intime.
À chaque fois qu’on trouve une définition, une spécificité à la France, on s’aperçoit après l’avoir énoncée, qu’elle bafoue ce qu’on peut trouver hors de nos frontières et qui vaut sans doute autant que ce qu’on vit à l’intérieur. Des exemples ? Vous avez dit « tradition d’accueil ? » L’actualité ne nous valorise pas sur ce point. Vous avez dit « gastronomie » ? C’est tout à fait subjectif : d’autres pays ont des traditions culinaires très réputées. Vous avez dit « liberté, égalité, fraternité ? » C’est sans doute chez nous que l’expression est née, mais elle souffre de grosses lacunes. Et puis, n’y aurait-il pas de la fraternité ailleurs ? La liberté, ou du moins le désir de tendre vers une société plus libre, est un combat dans toutes les sociétés. Vous connaissez des pays où aucune résistance à l’oppression ne se produit ? Où la liberté n’est pas une valeur recherchée ? Où la fraternité serait ignorée de tous ? Non, donc ce n’est pas une spécificité française. Nous n’avons rien de spécial. Je n’en suis même pas désolée.
Alors pourquoi ne pas adopter un point de vue qui admette une vision globale – on y gagnerait des valeurs communes - en ignorant les frontières et en admettant du même coup que ce qui rassemble est universel ? Mission impossible en ces temps marqués par les reconduites à la frontière, parce que l’identité nationale qu’on nous propose a été accolée par monsieur Besson à l’« Immigration » et que cette proximité rend une position humaniste intenable. La question de l’identité nationale s’acoquine avec une politique d’exclusion et de fermeture.
Voici deux perspectives très différentes, mais à mon sens toutes deux pertinentes, sur l’identité :
- Le journaliste politique Jean-Michel Apathie, dans sa chronique du Grand Journal (Canal +), a dit, qu’être français , c’était « payer ses impôts en France ». Voilà qui est pragmatique, sensé, et qui nous change de la Marseillaise et du salut au drapeau !
- Le président Obama, dans son livre L’audace d’espérer (éd. Points), page 70 :
« Il y a un télescopage, pas toujours très ordonné, mais généralement pacifique, entre les gens et les cultures. Les identités se brouillent et se reforment d’une nouvelle façon. Les convictions exprimées ne sont que rarement celles auxquelles on s’attendait. Les explications classiques sont constamment chamboulées. »
Que les identités se brouillent et se reforment d’une autre façon montre là encore que le paysage identitaire, figé, n’existe pas : il est intériorité, mouvance, mosaïque. Le philosophe Michel Serres, dans pratiquement tous ses essais, dit la même chose que Barak Obama, mais avec un seul mot : percolation. La percolation, c’est un brouillage pacifique quand deux cultures se chevauchent et se mélangent. Doucement, le paysage se transforme, l’appartenance se modifie, se diversifie, se colore, s’enrichit. J’aime beaucoup cette idée. Je n’aime pas l’identité nationale.