Le ciel et le sentiment d’universalité, par Camille Flammarion

Publié le par Agnès Lenoire

Je ne résiste pas au plaisir de vous faire découvrir ci-dessous un extrait des premières pages du tome 2 de l’Astronomie populaire (Les étoiles et les curiosités du ciel, 1882). Son auteur, Camille Flammarion, nous raconte en introduction un entretien qu’il a mené avec un des lecteurs enthousiastes du premier volume, qui réclame à grands cris la suite de l’histoire…du ciel. Les propos sont exaltés, mais non exagérés, car si l’Astronomie populaire s’était vendue, entre 1879 et 1882, à 30 000 exemplaires, c’est que l’ouvrage avait réellement passionné les foules. On ne peut que s’étonner (et rêver !) aujourd’hui de cet engouement sans limite pour une science. Camille Flammarion serait-il, en 2007, une vedette, en n’étant même pas passé à la Star’ac. ?

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Le lecteur :

-         Eh ! Monsieur ! nous prenez-vous pour des enfants de six ans ? nous faites-vous donc l’injure de croire que nous lisions vos ouvrages par fainéantise et que nous n’ayons pas à cœur de nous instruire le plus possible sur les réalités sublimes de la création, au milieu desquelles la plupart des hommes vivent comme des aveugles ! Non, non ! […] Nous avons soif de science ; nous laissons l’ignorance et ses illusions à ceux qui s’en contentent ; nous laissons les illusions matérielles de la vie, les ambitions de fortune ou d’honneurs d’un jour à ceux que ces petites choses intéressent ; nous leur abandonnons même les faits et gestes du patriotisme de chaque clocher et de la politique de chaque fourmilière ; j’irai même plus loin, et puisque vous paraissez douter de mon enthousiasme, je vous avouerai nettement que, pénétrés du sentiment de l’universel et de l’infini, nous ne sommes plus Français, ni Prussiens, ni Anglais, ni Espagnols, ni Italiens, ni Russes… Vous paraissez étonné ! Mais non, Monsieur, nous ne sommes même plus Européens, pas plus qu’Africains, Asiatiques ou Américains !.. Fourmilières que tout cela ! enfantillages que toutes ces distinctions de drapeaux ! folies que tous ces gouvernements militaires ! infamies que ces boucheries internationales pour lesquelles on élève tous nos fils ! abominables criminels que tous ces chefs d’États et ces crocodiles de diplomates…

Camille Flammarion :

-         Prenez garde ! Monsieur, vous pourriez manquer de respect aux institutions existantes et à l’administration. Si l’on vous entendait !

Le lecteur :

-        Comment ? ai-je prononcé un seul mot dont la logique et la justice ne soient surabondamment démontrées ? Mais, si l’on me poussait à bout, je déclarerais net que je n’ai même pas le patriotisme de la Terre, car la Terre n’est plus pour moi qu’un département du ciel. Non, je ne suis même plus terrestre ; je suis céleste, et je veux désormais connaître le ciel. Vous avez fait de moi, vous avez fait de tous les lecteurs qui vous ont suivi, des êtres célestes.

Portrait de Camille Flammarion extrait de son ouvrage Les étoiles et les curiosités du ciel, éditions C. Marpon et E. Flammarion, 1882. Exemplaire personnel.

Publié dans Culture

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